Créé en 2004, le dispositif des certificats d’économie d’énergie est un mécanisme de financement d’opérations de réduction de consommation énergétique financé par les fournisseurs d’énergie sur le principe du pollueur-payeur. Aujourd’hui, la majorité des opérations CEE financées se situent dans le secteur de la rénovation du bâtiment tertiaire et résidentiel. Cependant, les CEE s’appliquent aussi au secteur des mobilités, avec une trentaine de fiches disponibles sur le site de l’ADEME.
L’étude effectuée par le Cabinet Colombus résume de manière suivante le paradoxe auquel fait face le marché : « Alors que [les transports] constitue le 1er secteur au niveau de sa consommation en énergie finale (34%), les transports représentent seulement 1% du volume des CEE délivrés sur la P4 et le début P5 »[1].
Ainsi, le secteur qui pollue le plus ne profite pas des primes permettant de financer sa dépollution. Pourquoi cette sous-utilisation ? Quelles pistes pour y remédier ?
Le dispositif des CEE appliqué aux mobilités couvre pourtant une variété d’actions, allant du renouvellement des flottes à l’amélioration des infrastructures. Parmi les opérations éligibles :
· Le renouvellement des flottes de véhicules : Remplacement de véhicules anciens par des modèles plus économes ou utilisant des carburants alternatifs comme le biogaz ou l'électricité.
· L'optimisation des pratiques de conduite : Mise en place de formations à l'éco-conduite pour les conducteurs professionnels ou particuliers.
· L'amélioration des infrastructures : Installation de bornes de recharge pour véhicules électriques ou encore modernisation des systèmes de signalisation pour fluidifier le trafic.
· La maintenance et l'optimisation des véhicules : Actions visant à réduire la consommation d'énergie des véhicules existants, comme l'amélioration de l'aérodynamisme ou l'installation de dispositifs permettant une meilleure gestion de l'énergie.
Contrairement au secteur du bâtiment, où certaines fiches permettent de financer jusqu’à 100 % des travaux, les primes CEE dans le transport sont souvent insuffisantes pour motiver les acteurs (les primes CEE couvrent au mieux 80 % de l’opération, en fonction des fiches mobilisées).
Par exemple, la fiche TRA-EQ-128 relative à l’achat ou au rétrofit électrique d’autobus ne couvre que 1 à 3,5 % des coûts totaux. Dans ces conditions, l’investissement reste peu incitatif pour les transporteurs.
De plus, un grand nombre de fiches ne sont pas sollicitées par les acteurs du transport car elles ne présentent pas, en l’état, un intérêt pour les professionnels du secteur. C’est le cas des fiches relatives à l’installation d’un simulateur de conduite, gisement quasi inutilisé par les opérateurs (représente moins de 0,5% de sollicitations CEE de 2022 à 2024) . À l’inverse, la très pragmatique fiche intitulée « Unité de transport intermodal pour le transport combiné rail-route » est de loin la fiche transport la plus utilisée[2].
Pour exploiter pleinement le potentiel des CEE dans le transport, il est essentiel d’adapter les fiches existantes et d’en créer de nouvelles, alignées sur les évolutions des usages et des technologies.
À la lecture des divers chiffres dont nous disposons, il semble intéressant de développer de nouvelles fiches prenant en compte les nouveaux usages en termes de mobilités durables. C’est notamment le cas du fret ferroviaire. Alors que la France était en 1827 le premier pays à avoir dédié une ligne de chemin de fer au transport de marchandise[3] elle se trouve désormais être l’un des pays européens qui utilise le moins le fret[4] ferroviaire. Une fiche CEE a été mise en place, mais elle ne semble pas convaincre les acteurs du transport. Le problème vient du fait que, financé uniquement, le changement d’usage fret routier pour fret ferroviaire ne permet pas de réunir les conditions favorables aux transports « par rail ». Nous préconisons ainsi la création d’une fiche bonifiée permettant de construire des infrastructures de fret comme l’installation de quai spéciaux pour le fret de marchandise. Cette fiche, à mi-chemin entre les domaines transport et bâtiment, permettrait une relance du fret. C’est notamment le cas pour les ports français qui ne sont que peu connectés au service ferroviaire. Il en va de pair avec le transport fluvial, qui ne représente que 2 % du transport en France[5], alors que le gain écologique à la tonne transportée est significatif. Selon France Info, le fret fluvial dans Paris fait « économiser » l’usage de 800 camions[6].
Les transports hydrogène et électriques sont appelés à jouer un rôle clé dans les prochaines décennies. Les CEE doivent soutenir ces innovations, notamment via des primes bonifiées pour les infrastructures de recharge hydrogène et pour le rétrofit de véhicules. Le rétrofit d’un véhicule diesel de plus de 10 ans permet notamment de passer du Crit’Air 4 au Crit’Air 0 (dans le cadre du remplacement d’un moteur thermique par un moteur électrique).
L’usage de vélos cargos pour le dernier kilomètre, déjà en forte croissance, devrait également bénéficier d’un soutien renforcé via des fiches adaptées aux besoins des entreprises de logistique urbaine.
Le secteur des mobilités représente un gisement de CEE encore largement sous-utilisé, malgré son importance stratégique dans la transition énergétique. Une refonte des fiches, davantage axée sur les besoins concrets des acteurs et sur l’accompagnement des nouveaux usages, pourrait transformer ce paradoxe en véritable opportunité.
Chez OTC FLOW France, nous accompagnons les entreprises et collectivités dans l’identification et la valorisation de ces opportunités. Contactez nos experts pour découvrir comment intégrer les certificats d'économies d'énergie dans vos projets de mobilité durable.
[1] : Rapport Colombus Consulting de Nicolas Goldberg « ETUDE DES GISEMENTS des Certificats d’économies d’énergie & évaluation de scénarios pour la 6e période »
[2] : Fiche TRA-EQ-101 24ème fiche la plus sollicitée du dispositif selon le PNCEE
[3] Pierre Dauzet, Le siècle des chemins de fer en France, 1821-1938
[4] En comparant la proportion de marchandise livrées par fret et par camion dans les plus grandes puissance européennes, 10 % pour le ferroviaire français / 18% en UE – « Fret : pourquoi le train n’a‑t-il pas (encore) remplacé le camion ? », Aurélien Bigo, 3 mai 2023, Chercheurs à Polytechnique.
[5] DATA LAB Ministère de la transition écologique.
[6] Transports : le lent développement du fret fluvial, pourtant pratique et écologique