L'Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique (ARENH) est un dispositif instauré en France en 2010 dans le cadre de la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l'Électricité). Ce mécanisme vise à garantir un accès équitable à l'électricité d'origine nucléaire pour l'ensemble des fournisseurs d'énergie, tout en assurant une concurrence loyale sur le marché de l'électricité. Cet article explore le fonctionnement de l'ARENH, ses enjeux économiques et politiques, ainsi que ses perspectives d'évolution.
L'ARENH permet aux fournisseurs d'électricité alternatifs d'acheter une partie de l'électricité produite par le parc nucléaire historique d'Électricité de France (EDF) à un prix régulé fixé par les pouvoirs publics. Ce prix est actuellement de 42 euros par mégawattheure (MWh). Le volume d'électricité accessible via ce mécanismeest plafonné à 100 térawattheures (TWh) par an.
Ce dispositif a été misen place à la suite de différents décrets européens pour répondre à deux objectifs principaux :
Chaque année, les fournisseurs d'électricité peuvent formuler des demandes d'approvisionnement via l'ARENH basées sur leurs besoins. Ces demandes sont ensuite évaluées par la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE), qui veille à leur cohérence et à ce que le volume total attribué n'excède pas le plafond de 100 TWh.
Lorsque les demandes dépassent ce plafond, un mécanisme d’écrêtement est mis en œuvre. Les fournisseurs doivent alors se tourner vers le marché de gros pour compléter leurs besoins en électricité, souvent à un prix plus élevé que celui de l'ARENH.
Le plafond de 100 TWh est l'un des aspects les plus controversés du dispositif. En période de forte demande ou de flambée des prix sur le marché de gros, le volume alloué par l'ARENH peut s'avérer insuffisant pour répondre aux besoins des fournisseurs alternatifs. Cela les oblige à acheter de l'électricité à des prix plus élevés, ce qui peut se répercuter sur les consommateurs.
Le prix de 42 euros/MWh fixé pour l'ARENH est également sujet à débat. Ce prix est jugé trop bas par une majorité d’acteurs privés et publics et ne reflète pas les coûts réels de production d'EDF, ce qui met l'entreprise en difficulté financière. Quelques-uns, au contraire, jugent que ce prix est justifié pour permettre une concurrence effective.
Pour EDF, l'ARENH constitue une contrainte majeure. L'entreprise est obligée de vendre une partie de sa production à un prix fixe, souvent inférieur au prix du marché. Cela peut réduire sa capacité à investir dans la modernisation de son parc nucléaire et dans les énergies renouvelables.
Le dispositif ARENH est prévu pour prendre fin au 31 décembre 2025. Ce changement pousse les acteurs du secteur à réfléchir à des solutions alternatives pour organiser le marché de l'électricité en France.
L'arrêt de l'ARENH pose plusieurs questions fondamentales. Quels mécanismes permettront de maintenir une concurrence effective sur le marché de l'électricité ? Comment assurer un approvisionnement à des prix compétitifs pour les consommateurs tout en garantissant la viabilité économique d'EDF ?
La gestion de l’énergie nucléaire, le post-ARENH, est encore en discussion entre EDF et le gouvernement qui devraient convenir d’un nouveau cadre réglementaire permettant une meilleure appréhension des prix de l’énergie tout en préservant un environnement concurrentiel.
En effet, de nombreux fournisseurs d’énergie se disent inquiet quant aux changements à venir notamment concernant la hausse des prix.
Différentes pistes sont à l'étude pour remplacer ou adapter le dispositif actuel :
Plusieurs idées concrètes de la gestion du marché de l’électricité ont déjà été abordées sans réel positionnement de la part de l’État ou d’EDF :
Le versement nucléaire universel : alors que l'ARENH permettait aux fournisseurs d'électricité d'acheter de l'électricité nucléaire à un prix garanti, ce nouveau mécanisme prévoit que cet avantage soit directement répercuté sur la facture des consommateurs. EDF pourra ainsi valoriser sa production nucléaire sur les marchés de manière plus flexible, tout en étant soumis à une taxe progressive sur les revenus liés à l'utilisation de combustible nucléaire. Cette taxe sera appliquée à hauteur de 50 % au-delà d'un premier seuil de revenus et de 90 % au-delà d'un second seuil, afin d'éviter une sur rentabilité excessive du nucléaire historique. Le dispositif serait régulièrement réévalué pour s'assurer de son efficacité. Il devrait garantir une réduction uniforme du prix de l'électricité pour l'ensemble des consommateurs, en intégrant directement les bénéfices liés à la production d'énergie nucléaire dans les factures. Actuellement, cette propositionest inscrite dans le projet de loi finance 2025.
Le contrat pour Différence : appréciée de nombreux acteurs cette solution permettrait de garantir à EDF un prix de vente de l'électricité correspondant aux coûts de production du parc nucléaire historique. Concrètement, un prix de référence serait fixé à 70€/MWh pour l'électricité nucléaire venduepar EDF, et un ajustement financier interviendrait selon les écarts entre ce prix et le prix de marché. Si le prix de marché est inférieur au prix de référence, EDF recevrait une compensation afin d'assurer la couverture de ses coûts. À l'inverse, si le prix de marché dépasse le prix de référence, EDF reverserait la différence aux consommateurs ou aux fournisseurs ayant souscrit au dispositif ARENH. Ce mécanisme est envisagé pour renforcer la visibilité économique du parc nucléaire français tout en évitant des hausses excessives des prix de l'électricité pour les consommateurs.
La fin de l'ARENH pourrait avoir des répercussions importantes sur les prix de l'électricité pour les consommateurs. Sans mécanisme régulé, les fournisseurs devront acheter l'électricité à des prix de marché potentiellement plus élevés. Cela pourrait entraîner une hausse des tarifs pour les particuliers et les entreprises.
Pour EDF, la fin du dispositif pourrait représenter une opportunité de vendre sa production nucléaire à un prix plus proche du marché, améliorant ainsi sa situation financière. Toutefois, cela nécessitera une réforme en profondeur pour équilibrer les objectifs de concurrence, de protection des consommateurs et de transition énergétique.
L'ARENH est un mécanisme clé du marché français de l'électricité, mais il suscite de nombreux débats quant à son efficacité et à ses impacts économiques. Si le dispositif a permis d'ouvrir le marché à la concurrence, il pose des défis importants pour EDF et pour les fournisseurs alternatifs. La réforme de l'ARENH apparaît aujourd'hui comme un enjeu crucial pour l'avenir du secteur énergétique français, dans un contexte de transition énergétique et de volatilité des prix de l'électricité.
Afin de garantir la souveraineté énergétique de la France, il est essentiel de développer un dispositif adapté aux besoins des acteurs industriels nationaux. Il est tout aussi crucial de veiller à ce qu’EDF concentre ses ventes d’électricité sur le marché français, afin d’assurer un approvisionnement prioritaire à notre économie.
Cependant, le recours à un mécanisme de «versement universel nucléaire» présente un risque majeur : une diminution de la rentabilité d’EDF. Cette situation pourrait limiter la capacité de l’entreprise à investir dans le renouvellement des infrastructures du réseau électrique français. Cela est particulièrement préoccupant dans un contexte où plusieurs centrales nucléaires historiques atteignent la fin de leur durée de vie opérationnelle, fixée à un maximum de 50 ans, rendant indispensables des investissements pour leur remplacement ou leur modernisation.
Projet de Loi finances 2025 : https://www.budget.gouv.fr/documentation/file-download/28388
Chapitre VI : Partage des revenus de l’exploitation descentrales électronucléaires historiques | Sous-section 1 «Versement nucléaire universel
Directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseildu 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur del'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE - Déclarations concernant lesopérations de déclassement et de gestion des déchets : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:32003L0054
Directive 2009/72/CE du Parlement Européen et du Conseildu 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur del’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (Texte présentant del’intérêt pour l’EEE) : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=celex%3A32009L0072
LOI n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelleorganisation du marché de l'électricité : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023174854
Rapport D'information DÉPOSÉ PAR LA COMMISSION DESAFFAIRES EUROPÉENNE (Dès les premières pages, on dit que le prix n'est pasreprésentatif de la réalité) : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RINFANR5L15B4218.html#_Toc256000004
EDF : audition de Luc Rémont,président-directeur général du groupe : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/organes/commissions-permanentes/affaires-etrangeres/actualites/edf-audition-de-luc-remont-president-directeur-general-du-groupe