La rénovation énergétique est au cœur des politiques de transition écologique en France. Les objectifs fixés par l’État, notamment la neutralité carbone d’ici 2050 et la réduction des consommations d’énergie, nécessitent une mobilisation sans précédent des acteurs publics et privés. Dans ce contexte, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux jouent un rôle déterminant dans l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, qu’il s’agisse d’infrastructures publiques ou de logements sociaux.
Ces acteurs font toutefois face à de nombreux défis : complexité administrative, disparité des ressources techniques et financières, et sous-utilisation de dispositifs clés tels que les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE).
Alors, comment lever les freins rencontrés par les acteurs publics pour maximiser leur contribution à la rénovation énergétique ?
Cette analyse se propose d’examiner les rôles des différents acteurs publics, d’identifier leurs forces et faiblesses, et de formuler des recommandations pour maximiser leur impact.
Les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs de la transition énergétique, responsables d’un patrimoine bâti significatif auquel chaque niveau territorial apporte une contribution distincte :
Selon la taille et l’échelon administratif, les moyens financiers et techniques varient largement. Les grandes collectivités peuvent mobiliser des financements européens et des équipes spécialisées, tandis que les petites communes dépendent souvent d’un appui externe, accentuant les inégalités territoriales.
Les bailleurs sociaux, qui gèrent plus de deux millions de logements en France, jouent un rôle clé dans la lutte contre la précarité énergétique. Leur priorité est la rénovation thermique des logements sociaux, avec un focus sur les passoires énergétiques, afin de réduire les consommations et d’améliorer le confort des locataires.
Ils se regroupent fréquemment en consortiums pour mutualiser les ressources et optimiser les projets. Leur contribution aux dispositifs comme les CEE est essentielle, bien que ces mécanismes restent parfois sous-utilisés en raison de leur complexité administrative.
Les collectivités territoriales interviennent sur plusieurs aspects de la transition énergétique :
Les bailleurs sociaux concentrent leurs efforts sur la rénovation énergétique des logements sociaux, avec un objectif clair : réduire la précarité énergétique tout en contribuant à la transition écologique.
Leur champ d’action inclut :
En se regroupant au sein de consortiums ou fédérations, les bailleurs sociaux parviennent à mutualiser leurs ressources et à optimiser la gestion des projets de rénovation.
Les capacités financières et techniques des collectivités varient considérablement :
Les bailleurs sociaux bénéficient de prêts à taux avantageux et de subventions ciblées, notamment pour la rénovation énergétiquedes passoires thermiques. Cependant, leur capacité d’autofinancement est contrainte par le plafonnement des loyers.
Leur expertise technique interne est souvent solide, mais elle est complétée par des partenariats avec des bureaux d’études ou des entreprises spécialisées pour des projets plus complexes.
Le dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) est un mécanisme clé dans la transition énergétique tant il permet de financer des
projets dont le but est la réduction de la consommation d’énergie. Son appropriation par les acteurs publics reste cependant limitée. Selon une étude Opinionway pour ACTEE et la FNCCR, en 2024, 76 % des collectivités territoriales ne valorisent toujours pas les CEE.
Chronologie du recours aux CEE comme levier de décarbonation et réduction de la consommation d’énergies :
1. Phase initiale (2006-2010) – Le dispositif des CEE, lancé en 2006, s’est d’abord concentré sur les acteurs privés. La participation des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux était quasiment inexistante, en raison d’un manque d’information et d’un processus administratif jugé complexe.
Durant cette période, les acteurs publics ont déposé très peu de dossiers, limitant leur contribution à la transition énergétique.
2. Phase d’expansion (2011-2017) – Cette période a vu une montée en puissance significative du dispositif des CEE. Les opérations éligibles ont été élargies, permettant aux collectivités et bailleurs sociaux de commencer à intégrer ce mécanisme dans leurs stratégies de financement.
Bien que les données détaillées soient limitées pour cette période, on observe une augmentation des partenariats entre acteurs publics et obligés, amorçant une meilleure valorisation des CEE.
3. Phase de consolidation (2018-2020) – Les volumes de CEE délivrés ont atteint un total de 609 TWhcumac. Cependant, la part attribuée aux acteurs publics reste marginale :
· Collectivités territoriales et bailleurs sociaux : 22,3 TWhcumac, soit seulement 3,7 % du total. Cette période met en lumière une nette sous-utilisation du dispositif par les acteurs publics, malgré une montée en puissance générale.
4. Situation actuelle (2022-2024) – Malgré des efforts pour améliorer l’accessibilité des CEE, leur utilisation par le secteur public reste faible. Les données récentes montrent :
· Collectivités territoriales : 11,7 TWhcumac, soit 0,3 % des CEE délivrés.
- CEE classiques : 11 TWhcumac.
- CEE précarité : 611 GWhcumac.
· Bailleurs sociaux : 7,1 TWhcumac, soit 0,2 % des CEE délivrés.
- CEE classiques : 2,1 TWhcumac.
- CEE précarité : 5 TWhcumac.
Ces chiffres montrent que, bien que le dispositif gagne en popularité, une grande partie de son potentiel reste inexploitée par le secteur public. Cette sous-utilisation est principalement due à la complexité administrative et au manque de ressources techniques, particulièrement dans les petites collectivités.
La faible valorisation des CEE par les acteurs publics repose sur plusieurs freins structurels et organisationnels :
1. Complexité administrative et réglementaire : Les démarches pour monter des dossiers CEE sont perçues comme longues, techniques et peu adaptées aux capacités des petites structures. La documentation requise, les audits énergétiques obligatoires et la validation des opérations par l’État demandent des ressources humaines que certaines collectivités ou bailleurs n’ont pas.
2. Manque de ressources humaines qualifiées : De nombreuses petites collectivités manquent d’agents formés pour traiter ces dossiers. Même lorsqu’elles disposent d’un potentiel significatif pour valoriserles CEE, elles peinent à transformer ce potentiel en projets concrets.
3. Inégalité d’accès aux financements : Les collectivités rurales et certains bailleurs de petite taille n’ont pas la même capacité que les grandes métropoles ou les consortiums de bailleurs à mobiliser les financements et à valoriser leurs projets énergétiques.
4. Dépendance à des partenaires privés : Beaucoup d’acteurs publics dépendent des délégataires ou des obligés pour piloter leurs projets de CEE. Cela entraîne une perte de contrôle sur la gestion des fonds, voire un moindre retour sur investissement.
Les données récentes mettent en évidence une participation encore trop faible des acteurs publics :
Ce faible niveau de valorisation contraste avec l’ampleur des besoins dans le parc public et social.
Exemple de travaux financés pas OTC FLOW France :
Comme nous pouvons le voir sur le tableau ci-dessus, le dispositif des CEE représente une opportunité stratégique majeure pour les acteurs publics. En effet, ce mécanisme permet de financer des projets visant à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments publics, des infrastructures et des logements sociaux, tout en réduisant les coûts d’investissement. Les opérations Coup de pouce qui visent à encourager les travaux de rénovation, permettent même parfois de dégager un gain pour le bénéficiaire et lui permettre d’investir des fonds dans des rénovation non prises en charge par les CEE. En outre, ce dispositif contribue à la lutte contre la précarité énergétique, un enjeu crucial pour les zones rurales et les quartiers prioritaires. En exploitant pleinement ce levier, les acteurs publics peuvent non seulement atteindre leurs objectifs environnementaux, mais également renforcer leur attractivité et leur engagement envers les citoyens.
Les non-rénovateurs apparaissent comme les grands perdants du dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE). En effet, bien qu’ils participent indirectement au financement de ce mécanisme via une surcharge intégrée à leur facture d’énergie, ils ne profitent pas des bénéfices qu’il pourrait leur apporter. Tandis que les rénovateurs bénéficient de subventions, d’une baisse significative de leur consommation énergétique et d’un meilleur confort thermique, les non-rénovateurs continuent de subir des coûts élevés et des conditions énergétiques inefficaces.
Pour maximiser l’impact des acteurs publics dans la rénovation énergétique, il est essentiel de lever les freins identifiés et d’optimiser leur utilisation des CEE.
L’un des leviers prioritaires consiste à rendre le dispositifdes CEE plus accessible. Cela pourrait se traduire par :
Il est crucial de développer les capacités internes des collectivités et bailleurs sociaux pour qu’ils puissent gérer les CEE demanière autonome. Cela passe par :
Les dispositifs de soutien devraient être adaptés aux réalités des collectivités et des bailleurs :
Une meilleure communication sur les avantages et opportunités offerts par les CEE pourrait encourager davantage d’acteurs publics à s’impliquer. Il s’agirait de :
Valorisation des économies d'énergie par lescollectivités territoriales (dispositif CEE) – étude Opinionway pour ACTEE etla FNCCR – Août 2024 : OpinionWay-pour-ACTEE-Valorisation-des-economies-denergie-Extract.pdf
Étude sur la rénovation thermique des logements du parcsocial – étude VizGet, Pluricité, Stratergie – Juin 2022 : https://www.union-habitat.org/sites/default/files/articles/pdf/2022-06/renovation_therm_rapport.pdf